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Le blues des entraîneurs


Invité Xv-31

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Invité Xv-31

L’évolution du rugby professionnel a complexifié la tâche de l’entraîneur, dont le champ d’action dépasse désormais le seul terrain.

Il est jeune, trente-trois ans, entraîneur néophyte à ce niveau de compétition, et compte s’appuyer sur son passé de joueur ,international (12 sélections), ses quatorze années en Première Division pour réussir ,sa reconversion. Un profil type, en sorte. Mais Ugo Mola, devenu l’adjoint de Laurent Seigne à Castres, est également diplômé (BEES 2) et poursuit, au Centre de droit et d’économie du sport, une formation de manager. Un double cursus qui en fait l’archétype de l’entraîneur français en devenir. Depuis l’avènement du rugby professionnel en 1995 et la création de la LNR, ,en 1998, la fonction d’entraîneur a évolué ,à pas de géant. « Tout a complètement changé et tout continue de changer, confirme Didier Nourault, le manager de Montpellier. C’est la révolution permanente : la somme de travail, les responsabilités, l’évolution du sport par rapport à l’attente des joueurs. » Selon le vice-président de Tech XV (syndicat des entraîneurs), les entraîneurs ont dû se professionnaliser et augmenter leur charge de travail (entre 70 et 100 heures/semaine).

« Avant, on pouvait entraîner trois fois par semaine et avoir des résultats, rappelle Guy Novès, le manager de Toulouse, le technicien en activité le plus titré.Mais le niveau s’est ensuite élevé et on est passés à un autre système. En 1997, le président Bouscatel m’a demandé d’arrêter mon travail de prof d’EPS. »

D’un cadre où l’on préparait les joueurs à la rencontre du dimanche, les techniciens ont vu l’éventail de leurs compétences s’élargir : gestion de la forme des joueurs, management des blessés, analyse et montage vidéo, recrutement, opérations de relations publiques, devoirs médiatiques, supervision des projets d’infrastructure du club, apprentissage de l’anglais… « Rien qu’avec la presse, je mesure l’étendue du changement. Il y a dix ans, je consacrais deux heures par semaine aux journalistes. Maintenant, ça peut aller jusqu’à dix heures… Un recrutement, c’était quatre coups de fil ; aujourd’hui, ça prend des mois », souligne Nourault.

Or, tous les entraîneurs sont-ils aptes à supporter une telle charge de travail, à assumer tant de re sponsabiités et de contraintes ?

« Le brevet d’État ne suffit plus, coupe Didier Nourault, en ouvrant le débat. Cette formation ne correspond pas à tout ce qu’implique le métier

aujourd’hui. Et les études d’entraîneur de rugby n’existent pas vraiment »

En football, tout club de Ligue 1 doit compter un technicien titulaire du BEPF (brevet

d’entraîneur professionnel de football). Pour le rugby, où il suffit d’être titulaire d’un brevet d’État (BEES, niveau bac professionnel), rien de tel. La plupart du temps, les entraîneurs, qui ont le statut cadre, s’appuient sur leur vécu de joueur et perpétuent les techniques de leurs précédents coaches. Un passé recomposé, en quelque sorte… Certes, certains passent le BEES 2

(niveau licence). Mais, même ce diplôme n’est plus en phase avec les exigences du rugby professionnel. Or, avec la surcharge du calendrier, les techniciens n’ont plus de temps à consacrer à leur formation continue. « Quand la saison est finie, les entraîneurs continuent de travailler pour boucler le recrutement et préparer la saison suivante.

Ils ont toujours les mains dans le cambouis, regrette Alain Gaillard, président de Tech XV et entraîneur de Gaillac (Pro D 2). À Tech XV, notre grand souci a été la création en août 2005 de l’IFER (Institut de formation des entraîneurs de rugby) avec des cours sur le management, la psychologie, du media training... » (1).

Car il est délicat de cumuler les fonctions d’entraîneur et de manager , véritable mélange des genres. « Aujourd’hui, l’entraîneur est quelqu’un de très haut placé dans l’entreprise, plaide Nourault. Est-ce qu’on voit dans les entreprises des managers qui n’ont pas fait d’études ? Non,

ça n’existe pas. »

« Toujours avoir la valise à la main »

Il reste que l’on peut réussir grâce à sa connaissance du jeu et des hommes en s’appuyant sur son vécu de joueur de haut niveau. GuyNovès à Toulouse, Patrice Lagisquet à Biarritz, Fabien Galthié à Paris, Laurent Seigne à Castres symbolisent ce cas de figure. Tous d’anciens internationaux à la tête des grands clubs du Top 14. « Quand j’ai commencé à entraîner, on pouvait confier les clefs du camion à quelqu’un qui n’avait pas joué à un haut niveau, note Gaillard. Il y avait un apprentissage, on passait les diplômes… Maintenant, les anciens joueurs de renom deviennent très rapidement entraîneurs. » Les présidents privilégient des noms susceptibles d’avoir une résonance médiatique, persuadés qu’un grand joueur disposera de l’aura nécessaire. Rares sont les Houllier ou les Wenger, techniciens reconnus, joueurs méconnus. « On est très conservateurs ,en France, souligne Alain Hyardet, entraîneur adjoint de Montpellier. Nous sommes tous d’anciens joueurs ou d’ex-profs d’EPS. On a du mal à ouvrir nos portes. Il semble difficile d’accepter un entraîneur qui vienne d’un autre milieu. Dans l’hémisphère Sud, ce qui m’a le plus marqué, c’est que les staffs sont remplis de personnes issues du monde de l’entreprise. » Des ,hommes habités par l’exigence de résultats sportifs et financiers. Qui vivent aussi avec le spectre du licenciement. « L’entraîneur doit toujours avoir la valise à la main », convient Gaillard. La saison dernière, la paire toulonnaise Hueber-Louvet a été débarquée avant la fin du Championnat. Philippe Ducousso, entraîneur adjoint à Perpignan, a aussi été remercié avant la phase finale. Lors de l’exercice 2004-2005, Hyardet (Clermont), Carriat (Pau), Élissalde (Béziers) et Trémouille (Grenoble) n’ont pas connu la fin de saison. Ce qui induit forcément des situations de stress, des attitudes névrosées. « Le stress est inhérent au métier d’entraîneur », reconnaît Hyardet. « Nous sommes de grands consommateurs de café… et d’ulcères », sourit Aubin Hueber, aujourd’hui en charge de France Amateur. « Il m’arrive de me réveiller en pleine nuit pour noter un truc », reconnaît Nourault. Vendredi et samedi, à l’occasion de la première journée du Top 14, quatre clubs démarreront la saison avec de nouveaux techniciens (Clermont, Agen, Brive et Narbonne). Pour eux comme pour les autres, les soucis commencent.

BENJAMIN MASSOT

L'Equipe 16 août 2006

Excellent article Merci L'Equipe !!!!!

:P

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