Aller au contenu

Article sur Lomu


Invité Rico

Messages recommandés

AUCKLAND – (NZL)

de notre envoyé spécial

IL NE RESTAIT plus que dix-sept

minutes et vingt-huit secondes à

jouer lorsqu’on lui a fait signe. Assis

sur le banc des remplaçants de

l’équipe de North Harbour pendant

plus de une heure, Jonah Lomu avait

attendu patiemment. Et lorsque, le

dos un peu courbé, la tête basse, la

silhouette la plus connue du rugby

mondial est enfin entrée sur le terrain,

malgré les meilleurs efforts du

speaker d’Albany, dans la banlieue

nord d’Auckland –« Ladies and gentlemen,

Jonah Lomu ! » –, il y a eu à

peine quelques applaudissements

discrets, parmi les 5 000 spectateurs,

pour l’accueillir.

Plus de deux ans après la greffe d’un

rein, la première – et seule – vraie

vedette mondiale du rugby peut se

vanter d’avoir vaincu sa maladie et

gagné son pari de rejouer. Et pour

ceux qui l’ont vu à Sydney en

novembre 2003, horriblement bouffi

et à peine capable de marcher, l’état

de santé actuel de Lomu est simplement

miraculeux. Mais, pour ceux

qui l’ont vu jouer au sommet de sa

carrière sous le maillot no 11 des All

Blacks, le joueur qui portait

dimanche dernier le maillot no 22 de

North Harbour pour ce match du

Championnat des provinces contre

Otago n’est plus que l’ombre de luimême.

Ce qu’il y avait d’unique chez Lomu,

quand il a explosé lors du Mondial

1995, c’est qu’il avait la corpulence

et la puissance du buffle, mais également

l’accélération et l’agilité d’une

gazelle. Aujourd’hui, à trente et un

ans et après de longues années de

maladie, même s’il a retrouvé un

corps d’athlète, une condition indéniable,

et le même poids de forme

(118 kg) qu’avant, sa phénoménale

vitesse des jambes n’est plus qu’un

lointain souvenir. Son agilité est

devenue celle… du buffle ; et toute

tentative d’accélération semble

pathétiquement laborieuse.

Cependant, dimanche dernier, sur

un ballon de deuxième main, Lomu

est venu s’intercaler dans la ligne

pour percuter la défense à 15mètres

de la ligne de but. Trois plaqueurs s’y

sont mis pour l’arrêter, mais il a franchi

la ligne d’avantage, le ballon est

sorti côté North Harbour et, grâce au

décalage créé par son ailier, le troisième-

ligne centre Nick Williams a

marqué le troisième essai de son

équipe, creusant l’écart à 28-13.

« Les gens peuvent se demander ce

que Jonah nous apporte, observe

Allan Pollock, l’entraîneur de North

Harbour. D’ailleurs, il y en a qui ne se

gênent pas pour le faire. Je peux

assurer au monde du rugby que ce

que Jonah nous apporte est inestimable.

C’est quelqu’un d’incroyable.

Avec tout ce qu’il a fait, avec son

aura, il aurait pu devenir le mec blasé,

ou prendre la grosse tête. Mais il

est sans doute le joueur le plus terre à

terre et le plus perspicace que j’aie eu

le plaisir d’entraîner. »

Le problème pour Lomu, actuellement,

c’est qu’il est barré à North

Harbour par deux jeunes ailiers très

prometteurs, Rudi Wulf (vingt-deux

ans) et le Fidjien Vili Waqaseduadua

(vingt-trois ans). « Je sais qu’il est

frustré, que ça lui fait mal de ne pas

être titulaire, mais actuellement les

deux jeunes sont plus performants

», résume Pollock.

En attendant une éventuelle place de

titulaire, Lomu joue également un

rôle de papa poule pour les jeunes

joueurs, et lundi, au lendemain de la

victoire contre Otago (28-18), c’est

lui qui a géré la séance de décrassage

des remplaçants. Avec une ligne de

trois-quarts où la moyenne d’âge est

de vingt-deux ans, l’expérience de

Lomu, sur le terrain et en dehors, est

une des forces de l’équipe de North

Harbour.

Ayant déclaré à plusieurs reprises

que son but est de disputer le prochain

Mondial (du 7 septembre au

20 octobre 2007 en France) avec les

All Blacks, Lomu – qui vient de resigner

un contrat de deux ans avec

Adidas pour unmontant tenu secret,

preuve que son image sert toujours

la marque – sait que son temps est

compté. Pour espérer avoir la

moindre chance de retrouver

l’équipe nationale – or, il est à des

années-lumière des Gear, Sivivatu,

Howlett et Rokocoko –, il lui faudrait

déjà décrocher un éventuel contrat

de Super 14 pour l’année prochaine ;

son contrat avec la province de North

Harbour arrive à son terme en

octobre et il ne reste plus que deux

matches de NPC (le Championnat

des provinces néo-zélandaises)

avant un éventuel quart de finale.

« Pour être honnête, je ne suis qu’à

75 % ou 80 % de mon potentiel

actuellement, confie-t-il. Il faut que

je sois réaliste, je sais qu’il me

manque de l’agilité et je fais tout

pour retrouver mes sensations. La

rotation demes jambes commence à

s’améliorer et je commence à retrouverma

confiance après la fracture de

macheville (lors de son ultimematch

pour Cardiff en juin). Je sais ce qu’il

me faut faire pour y arriver, mais

pour le faire, il faut d’abord que j’ai

du temps de jeu. Il faut que je puisse

devenir titulaire et jouer un match

chaque semaine. »

Ayant grandi à Otara, la banlieue

du re d u sud d’Au c k land ,

aujourd’hui, Lomu habite le quartier

cossu de Freeman’s Bay (la baie de

l’Homme libre), à deux pieds du

centre-ville d’Auckland. Il habite une

grande villa centenaire toute en bois

avec sa femme Fiona et leur chien

Jack (un épagneul).

On se demande bien quel plaisir il

peut trouver aujourd’hui à se flageller

à ce point. Et si son rêve de porter

de nouveau la fougère argentée

n’est pas complètement irréaliste ?

« Je l’ai dit, c’est mon rêve et j’y

tiens. Mais, depuis quelque temps,

avecmafemmeFiona, on a décidé de

ne plus en parler. Parce qu’en focalisant

sur un éventuel retour chez les

Blacks, je me suis mis trop de pression.

Disputer le Mondial avec les All

Blacks, ça reste mon rêve ultime.

Mais, pour l’instant, ma priorité est

de devenir titulaire avec North Harbour.

Après, on verra. Mais la vie m’a

déjà réservé assez de surprises et il

ne faut jamais dire jamais… »

IAN BORTHWICK

Lien vers le commentaire

Créer un compte ou se connecter pour commenter

Vous devez être membre afin de pouvoir déposer un commentaire

Créer un compte

Créez un compte sur notre communauté. C’est facile !

Créer un nouveau compte

Se connecter

Vous avez déjà un compte ? Connectez-vous ici.

Connectez-vous maintenant
×
×
  • Créer...