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Le Testament De Bru


Guest Xv-31

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Guest Xv-31

YANNICK BRU, le talonneur et capitaine toulousain, a livré samedi son dernier match. Une page du rugby se tourne.

Ainsi donc a-t-il plaqué pour la dernière fois. Une ultime charge, un remplacement àla 60e de cette demi finale contre Clermont et puis salut. Parce qu’il a même, Yannick Bru, l’élégance de savoir s’en aller. « J’ai tellement vu autour de moi des gens qui ont joué trop longtemps et qui sont partis dans l’amertume. Je voulais décider du moment, tant que j’étais acteur. Or, j’ai trente-quatre ans et l’on ne peut remonter le temps. »

Si l’on insiste sur ce départ là, c’est qu’avec Yannick Bru il s’agit bien sûr d’un grand joueur (deux fois capitaine de l’équipe de France) qui s’arrête mais aussi et surtout d’une certaine idée du rugby qui s’en va. Une idée née au bord d’une route départementale le long de laquelle il allait de son village à pied les dimanches jusqu’à Auch voir jouer l’équipe emblématique du Gers. Et chaque dimanche sans que rien ne soit convenu, c’était la même voiture qui s’arrêtait pour l’emmener.

« Un papy qui lui aussi allait au match. On discutait, on refaisait le match du week-end précédent et celui à venir. »

Tissant ce lien transgénérationnel si singulier à ce jeu. Celui d’un sport et d’un territoire.

«J’ai appris là-bas ce sentiment d’appartenance à une communauté, à un territoire, où l’on se bat contre tout ce qui vient de l’extérieur. » Auch, puis Colomiers et Toulouse, club auquel il restera fidèle. « Un homme, un club, c’est un modèle auquel je suis attaché mais qui a vécu. C’est pour cela qu’il est temps que je m’en aille. » Le propos n’est pas nostalgique ni critique à l’égard du rugby professionnel dans lequel Bru « s’est jeté à corps perdu », lui qui avait rêvé d’être un grand joueur de tennis. « Au fond, j’ai trouvé dans ce jeu des choses qui me ressemblaient. Pouvoir notamment évacuer cette agressivité qui est en moi et que socialement on ne peut dégager.

En rugby, c’est même valorisé. » Bru s’inscrit dans cette tradition des avants de devoir mais avec quelque chose de très singulier le concernant.

« Quand il parle tout le monde est au garde-à-vous, 50 sélections ou pas, explique l’ailier Cédric Heymans, car c’est un guerrier capable de donner son corps pour l’équipe et l’instant après d’avoir la lucidité d’analyser la situation. »

C’est effectivement ce maniement presque simultané de ces deux fonctions si antagoniques qui étonne chez lui. « Je crois que si je devais résumer ce que c’est que l’expérience je la ramènerais à ça : se livrer totalement tout en étant capable de mesurer la conséquence de l’acte, et pouvoir ainsi se dégager mentalement de l’action pour anticiper. »

Le partage comme principe

Pour autant il a appartenu à cette génération de la tête contre les murs des avant-matches furieux. « On se

mettait effectivement dans des états qui hors de ce contexte relève de l’animalité mais qui, vécu de l’intérieur, s’avérait extrêmement jubilatoire. C’est quelque chose qui disparaît avec également le vocabulaire qui allait avec. On va vers des rapports entre les gens beaucoup plus académiques. Ce qui fait que l’on a des joueurs plus formatés avec des personnalités plus transparentes. Notre culture va certainement perdre en complexité. Et cela a des incidences directes sur le jeu. Il me

semble ainsi qu’il devient difficile de trouver les ressorts affectifs sur lesquels appuyer d’autant que peu de clubs ont désormais une identité forte. »

La professionnalisation a en effet distendu nombre de valeurs centrales de cohésion. « Or, sans cela, il est difficile de bâtir une histoire. C’est une condition nécessaire à la victoire. » Et de noter que les clubsqui dominent le rugby français, Biarritz, Paris, Clermont et Toulouse ont en commun une identité forte et un groupe riche d’une longue histoire humaine. Car, au fond, c’est ce qu’il retiendra de son « passage » dans le rugby, Yannick. « Oui, plus que les victoires ou les défaites, ce que j’emporte avec moi se sont des regards, des visages en larmes, des moments d’émotions fortes. Quant tu arrêtes, c’est cela que tu retiens, les histoires avec les hommes, les personnalités que tu as découvertes, des personnalités souvent cachées ; or, dans ce sport, tu as l’obligation de te mettre à nu comme peut-être jamais tu ne le feras dans une autre norme sociale. »

Le partage comme principe.

« C’est d’autant plus important que le sport de haut niveau te pousse vers un profond sentiment d’égoïsme. Tout tourne autour de toi et cela engendre une forme d'asociabilité”. Et plus j’allais vers la fin et plus j’étais critique par rapport à cette évolution du sport de haut niveau qui pousse de plus en plus au repliement sur soi. Et je crois que dans le rugby, un sport qui a construit son succès et sa notoriété sur des valeurs inverses, c’est-à-dire de partage et de générosité, on est peut-être là en train de scier la branche qui nous a portés où l’on est, en sapant ainsi l’épanouissement personnel. »

Vous manquerez à ce sport Monsieur Bru.

JEAN-CHRISTOPHE COLLIN

L'Equipe

:crying:

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Tiens voila des propos qui sont peut etre revelateurs des maux du ST en ce moment.

Tres interressant en tout cas. Au revoir Monsieur .

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Il y a quand même cette année beaucoup de grands joueurs qui partent, capitaine ou ayant un grand rôle dans leur équipe.

Bru à Toulouse, Goutta à Perpignan, Marsh à Clermont, Lievremont à Biarritz et Auradou à Paris, un peu différent pour Bonnaire à Bourgoin.

Ca fait tout bizarre quand même. :crying:

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capitOle27
Il y a quand même cette année beaucoup de grands joueurs qui partent, capitaine ou ayant un grand rôle dans leur équipe.

Bru à Toulouse, Goutta à Perpignan, Marsh à Clermont, Lievremont à Biarritz et Auradou à Paris, un peu différent pour Bonnaire à Bourgoin.

Ca fait tout bizarre quand même. :crying:

C'est vrai, ça arrive rarement que une même génération de joueur quitte le jeu en même temps....dommage c'étais tous des "personnages" de leurs clubs respectifs !

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Guest Xv-31

Yannick Bru : « ça va faire un grand vide »

http://www.ladepeche.com

200706052021.jpg

Hier matin, Guy Novès a convoqué ses hommes à Ernest-Wallon, sur les coups de 10 heures, pour le traditionnel débriefing de fin de saison. Yannick Bru, lui, nous avait donné rendez-vous une heure plus tôt, à la Brasserie du Stade. Installé au comptoir, seul, devant une tasse de café, le capitaine du Stade est plongé dans le cahier sports de « La Dépêche du Midi ». L'actualité du week-end s'étale sous ses yeux. « Je me tiens informé », lance-t-il en nous invitant à le rejoindre. L'entretien peut alors commencer avec celui qui a mis fin à sa carrière, samedi, à Marseille.

Yannick, on suppose que l'élimination face à Clermont est encore dans votre tête...

Oui. J'ai d'ailleurs visionné deux fois la rencontre hier (Ndlr : dimanche). Cela accentue mes regrets et ma frustration. Il va falloir du temps pour évacuer la déception.

Vous imaginiez sans doute une autre issue pour votre carrière.

On envisage toujours le meilleur. Mais je joue depuis assez longtemps ici et je sais qu'il faut savoir aussi penser au pire. Je me suis préparé comme si ça pouvait être le dernier. Le haut niveau, c'est ça, le basculement d'un match s'opère sur des détails. Cela s'est encore vérifié ce week-end.

Vous arrêtez donc votre carrière de joueur. De quoi va être fait votre avenir ?

J'ai ma société de conseil en gestion de patrimoine, « YB Conseil ». Elle fonctionne depuis quatre ans avec trois salariés. Ce sera toujours la clé de mon indépendance. Mais j'espère ne pas rester trop loin du monde du rugby. Je vais d'ailleurs effectuer certaines prestations lors de la Coupe du monde. Par exemple, Éric Bayle m'a demandé d'être consultant pour Canal +.

Quid de votre diplôme d'entraîneur ?

Je passe le Brevet d'État haut niveau. J'ai terminé la formation, il me reste un oral à passer. L'entraînement est un secteur qui m'intéresse.

Revenons à votre carrière. Que retenez-vous de toutes ces années passées au Stade toulousain ?

Elles m'ont apporté beaucoup d'enrichissement. J'ai eu la chance de côtoyer des personnalités aussi différentes que formidables. Du parfait soldat comme Miorin jusqu'à l'artiste comme Stensness, en passant par des monstres de courage comme Brennan, plein, plein de gens qui font la richesse du rugby. Au-delà, j'ai plus appris à raisonner en tant qu'homme. Les cinq-six premières années au club, tu raisonnes en compétiteur égoïste, tu ne penses qu'à t'entraîner, à ta performance. Ensuite, tu raisonnes en sportif plus mature lors des quatre-cinq dernières années. On m'a également confié le brassard de capitaine, ce qui amène d'autres exigences. Mon rôle a évolué au fil des années.

Que gardez-vous de tous ces titres gagnés ici ?

Tout ça, c'est ce que l'on comptabilise dans les journaux. J'ai eu la chance de beaucoup gagner ici mais je n'oublie pas que j'ai souvent perdu aussi, deux finales de championnat et une de H Cup, sans oublier plusieurs demies. Il y a eu des moments de douleur. Mais on apprend plus sur les hommes dans les moments de défaite, ce sont aussi des moments enrichissants.

Vous attachez de l'importance à tous les trophées et maillots amassés au cours de ces années ?

Il y en a un gros paquet chez mes parents, plein de poussières. En revanche, j'en garde certains précieusement que je ne veux pas perdre. Celui de mon premier titre en 1999, celui de 2001 aussi, des grands moments de ma carrière. J'ai aussi le maillot d'Anton Oliver échangé en 2003 lors du match contre les All Blacks. Ce n'est pas le maillot du Stade, mais il y a du noir dessus. En revanche, mon premier maillot de capitaine du XV de France face aux États-Unis, je l'ai offert à Daniel Santamans. C'est lui qui m'avait dit «ce serait bien que tu joues talonneur». J'étais troisième ligne en juniors et c'est le premier éducateur qui m'a fait confiance à ce poste.

Si vous ne deviez retenir qu'un seul moment de votre carrière, quel serait-il ?

On garde souvent en mémoire des choses du début de carrière, lorsqu'on a rien connu comme émotions fortes. Je dirais le quart de finale contre le Stade français au Stadium en 1999 (51-19). Le Stadium était chauffé à blanc, j'en garde une émotion extraordinaire. Je m'en souviens comme si c'était hier.

Et un homme ?

Difficile à dire. Il y a bien sûr Christian Labit avec qui j'ai partagé beaucoup de ma vie stadiste, notamment parce que nous étions dans la même chambre en déplacement. Il y a aussi tous les entraîneurs que j'ai côtoyés, de Santamans à Novès en passant par Laporte, Brunel, etc.

Vous êtes triste à l'idée de refermer pour la dernière fois votre placard dans le vestiaire ?

Un peu oui. Je vais le vider tout à l'heure, mon voisin Xavier Garbajosa aussi. Je vais conserver la plaque avec mon nom […] J'ai 34 ans, le rugby représente 27 ans de ma vie. Je pense que ça va faire un grand vide. Il y a une belle réorganisation à trouver. Mais il faut accepter ça, on ne peut pas remonter le temps.

Recueilli par Xavier Thomas

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Yannick Bru digest

Yannick Bru est né le 22 mai 1973 à Auch.

1m77, 97 kg.

Clubs successifs : Av. Masseube, FC Auch, Stade toulousain (1991 à 1996), US Colomiers (1996 à 1998), Stade toulousain (depuis 1998).

Palmarès : champion de France minimes (FC Auch), vainqueur de la Conférence européenne (1998), champion de France (1999 et 2001), champion d'Europe (2003 et 2005).

Équipe de France : 18 sélections (Grand Chelem 2002 et 2004) ; capitaine du XV de France lors de la Coupe du monde 2003 face aux États-Unis et face à la Nouvelle-Zélande (match pour la troisième place).

Première sélection : France-Australie le 17 novembre 2001 (14-13).

Dernière sélection : France-Angleterre le 27 mars 2004 (24-21).

:crying:

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